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Comment les internautes vivent et vivront avec internet ? 2 (13 janvier 2003)

Que pouvons-nous attendre du futur d’INTERNET ? (par Olivier Creusy, Co-fondateur d’Epoc Dynamiques)

pour l’homme que je suis

Peut-être que pour chacun d’entre nous, l’expérience de l’internet se résume à la prise de conscience de notre solitude face à l’immensité de ce qui devient possible. La grande majorité réagit en exprimant ses doutes, c’est une façon de se rassurer devant l’inconnu et de se donner du temps. Quelques uns prennent l’initiative de s’y intéresser de plus près et de créer des entreprises, vite, pour occuper le terrain.

L’histoire ne fait alors que commencer. Cela voudrait dire plusieurs choses :

Face à un nouvel univers, dématérialisé, qui permet d’inventer autant de nouveaux comportements pour l’individu ( les sites personnels, les communautés, les forums, etc. ) ou de nouvelles méthodes pour les entreprises ( les places de marché, le marketing individualisé, les newsletter etc. ), il est naturel de balancer entre deux perceptions contradictoires.

La première est celle d’une évolution irréversible, qui, même si elle est inattendue et brutale, s’inscrit dans la continuité de notre développement technologique. Face à ce sentiment, nous n’avons pas d’autre choix que de nous adapter, le progrès ayant pris un peu d’avance sur notre capacité à l’assimiler.

La seconde nous pousserait à rejeter ce qui pourrait n’être qu’une production de la technologie, sans connexion durable avec nos besoins et nos comportements. Ce serait une réalité froide, purement technique, une créature de laboratoire dont on ne percevrait pas l’utilité, et donc dérangeante.

Je privilégie la première approche, en reconnaissant la nécessité de recaler le temps de la technologie sur celui de la compréhension, plus lente, des bénéfices qu’elle apporte. Ce temps devrait être mis à profit pour diffuser, aussi largement que possible, une connaissance suffisante du potentiel d’internet, pour remplacer les opinions trop vite formées et trop définitives, par l’expérience personnelle de ce qu’il permet, et de ses limites. Les jugements ont ici, comme souvent sur les innovations, fâcheusement tendance à précéder l’expérience et son analyse lucide.

pour l’homme de marketing

C’est de l’histoire des marques et de la communication qu’il faut parler. La relation entre le consommateur et le produit conserve beaucoup de ses mystères, mélange de fidélité, de séduction, de trahison. L’aspiration du marketing à mieux connaître les attentes du consommateur est donc légitime, comme une médecine préventive qui vaut toujours mieux qu’une intervention lourde.

Cette observation du marché et cette recherche du sens n’autorisent pas tout, et n’aboutissent pas à la conclusion qu’il est possible ou souhaitable de devancer ou de mettre en équation les désirs du client . Le libre arbitre du consommateur est surtout celui de ne pas se laisser séduire. Que le taux de clic sur les bannières se soit rapidement usé, que la réaction positive aux nouveaux stimuli toujours plus spectaculaires de la publicité online s’érode un fois passé l’effet de la nouveauté, nous montrent que le consommateur internaute reste extrêmement libre et imprévisible.

Si nous voyons le marketing comme un jeu, c’est un jeu de cache cache, physique et intellectuel ; où se trouve ma cible et dans quel état d’esprit ? Internet fait disparaître le physique du consommateur, en le rendant cependant, par compensation, disponible à n’importe quelle heure du jour et largement au-delà des limites de la géographie proche. Internet rend par ailleurs le consommateur plus anonyme, tout en compensant cette transparence par l’accumulation de traces qui permettent de mieux le connaître pour anticiper ses besoins et affiner les arguments qui sauront le convaincre.

Dans cette réalité virtuelle, il semble ainsi s’établir un équilibre, sain, qui compense un nouvel handicap par une nouvelle opportunité. Il ne va donc pas de soi de choisir de ne rien changer à sa pratique marketing ou de basculer dans le monde du marketing interactif.

La recherche de l’équilibre me paraît, au-delà de la fascination exercée par les nouveaux outils, la bonne démarche. Cela signifie que la communauté du marketing online doit désormais exiger des outils interactifs la même rigueur et les mêmes performances que pour les techniques traditionnelles. C’est la condition préalable pour intégrer internet dans la démarche marketing globale d’une marque : après l’engouement irrationnel et le désamour cynique, il est temps d’arriver à la maturité professionnelle.

Si le consommateur était une machine, la technologie serait certainement le meilleur moyen de commander ses comportements ; heureusement, notre consommateur est un être vivant qui aime le paradoxe et préserve, avant tout, sa propre liberté. La publicité est efficace, mais c’est un mélange rationnel ( ciblage, achat média ) et subjectif ( la création ). Le marketing online est soumis à la même loi de l’équilibre : à coté des outils rationnels ( tracking, profils, marketing one to one etc ), il faut inventer une dimension de séduction. Aujourd’hui, cette carence de séduction favorise la revendication de sa liberté par l’internaute, exprimée dans le refus de s’engager, et la volatilité du trafic. Le prochain enjeu n’est donc pas seulement d’optimiser la performance des outils, mais surtout de produire une perception de satisfaction.

Peut-être irrationnel, ce plaisir de l’internaute, moteur de sa fidélisation, est certainement fondé dans la conviction qu’il conserve la maîtrise de ses choix et que l’expression de ces choix est celui de sa liberté. L’enjeu est de capter le trafic en captant l’attention du consommateur, en s’opposant cependant à toute démarche qui lui donnerait le sentiment de perdre l’initiative et de se retrouver entravé.

Les vraies histoires d’amour sont celles qui unissent deux êtres, libres de s’abandonner et qui pourtant font le choix de rester ensemble.

De la même façon, les limites du web n’étant pas concevables, la mission du marketing sera de développer des pôles d’attraction suffisamment puissants pour établir une relation invisible, une forme de tension semblable à un champ magnétique. Comme l’electron qui tourne autour du noyau fait partie de l’atome mais peut facilement se trouver attiré par un autre, le consommateur internaute est encore agité et désorienté, comme un peu ivre. Acceptons la nécessité d’une approche un peu scientifique des choses, mais ne tombons pas dans la fascination des chiffres vecteurs de fausses certitudes. Le marketing online trouvera lui aussi son équilibre entre technologie et créativité.

Nous arriverons donc à ce moment où le citoyen et le consommateur se réconcilient ; le premier aura dépassé le scepticisme engendré par une innovation profonde et inattendue, et le second aura exprimé la prééminence de son libre arbitre. Etablie dans un contexte éclairci et rassurant ( moins cher et plus sur ), la relation avec internet existera comme un nouveau lien, possible et libre, entre l’homme, les idées, les autres, les marques, l’information etc. Une évidence qui fera peut-être sourire du débat d’aujourd’hui.

Olivier Creusy

Co-fondateur d’Epoc Dynamiques

Conseil en efficacité marketing et commerciale