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L’intrusion dans un système informatique et ses conséquences juridiques. (1er février 2003)

Il existe différents types de pirates informatiques : du hacker classique, qui s’introduit dans les systèmes par des moyens illégaux sans détruire les données ni utiliser les informations données, mais dans le seul but de faire savoir qu’il existe des failles de sécurité au cracher (casseur), appellation qui désigne le pirate le plus dangereux qui détruit dans un but précis ou pour le plaisir. Or, aux yeux de la loi, chacun d’entre eux peut être poursuivi au regard des dispositions du Code pénal en matière de fraude informatique.

L’intrusion peut s’effectuer par le biais d’un programme qui se cache lui-même dans un programme « net » (par exemple reçu dans la boite aux lettres ou téléchargé). L’un des plus connus est le Back Office qui permet d’administrer l’ordinateur à distance. En outre, le piratage peut avoir comme cible les mots de passe du système. Dans ce cas là, le pirate utilise souvent des programmes de déchiffrage qui fonctionnent avec des dictionnaires proposant de nombreux mots de passe à des fréquences très élevées (jusqu’à plusieurs milliers de mots de passe par seconde).

Après la prise de contrôle, souvent indécelable, le pirate peut introduire des programmes de corruption (virus, bombe etc), modifier des données (par exemple défigurer une page web), installer des programmes espions (Sniffer).
Quelle protection pour les entreprises victimes d’un piratage via réseaux ?

I. Les actions sur le plan juridique

a) La responsabilité pénale

La loi Godfrain du 8 janvier 1988, bien qu’élaborée à une époque où on ne parlait pas encore d’Internet et dont les dispositions ont été reprises par le Code pénal dans un chapitre intitulé « Des atteintes au système de traitement automatisé de données », permet de sanctionner toutes les intrusions non autorisées dans un système informatique. Les sanctions prévues varient selon que l’intrusion a eu ou non une incidence sur le système en cause.

i. Les intrusions simples

L’article L.323-1 du Nouveau code pénal prévoit que « le fait d’accéder ou de se maintenir, frauduleusement, dans tout ou partie d’un système de traitement automatisé de données est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». Ces systèmes comprennent, entre autre, les sites web.

Accès frauduleux

La Cour d’appel de Paris a considéré dans un arrêt du 5 avril 1994 que « l’accès frauduleux, au sens de la loi, vise tous les modes de pénétration irréguliers d’un système de traitement automatisé de données, que l’accédant travaille déjà sur la même machine mais à un autre système, qu’il procède à distance ou qu’il se branche sur une ligne de communication ».

Quid, pourtant, si le système n’est pas protégé ? La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 30 octobre 2002 , a jugé que la possibilité d’accéder à des données stockées sur un site avec un simple navigateur, en présence de nombreuses failles de sécurité, n’est pas répréhensible. Elle a, ainsi, reformé le jugement du Tribunal de grande instance de Paris, qui avait estimait que l’existence des failles de sécurité ne constituait « en aucun cas une excuse ou un prétexte pour le prévenu d’accéder de manière consciente et délibérée à des données dont la non-protection pouvait être constitutive d’une infraction pénale » . En effet, l’article 226-17 du Code Pénal réprime le fait de procéder ou de faire procéder à un traitement automatisé d’informations nominatives sans prendre toutes les précautions utiles pour préserver la sécurité de ces informations et notamment d’empêcher qu’elles ne soient communiquées à des tiers non-autorisés.

Le maintien frauduleux

La loi incrimine également le maintien frauduleux ou irrégulier dans un système de traitement automatisé de données de la part de celui qui y est entré par inadvertance ou de la part de celui qui, y ayant régulièrement pénétré, se serait maintenu frauduleusement ( Cour d’appel de Paris, jugement du 5 avril 1994 précité).

Quant à l’élément intentionnel de cette infraction, la doctrine et la jurisprudence s’accordent à admettre que l’adverbe « frauduleusement » n’est pas le dol général de l’attitude volontaire, ni le dol très spécial de l’intention de nuire, mais la conscience chez le délinquant que l’accès ou le maintien ne lui était pas autorisé.

ii. Les intrusions avec dommages

L’alinéa 2 de l’article 323-1 du nouveau Code pénal prévoit un renforcement des sanctions, lorsque l’intrusion et le maintien frauduleux ont certaines conséquences :

« Lorsqu’il en résulte soit la suppression ou la
modification de données contenues dans le système, soit une altération du fonctionnement de ce système, la peine est de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende »

Ne sont concernées par cet article que les altérations involontaires. L’entrave volontaire au système ou l’entrave volontaire aux données sont visés par les articles 323-2 et 323-3 du nouveau Code pénal.

iii. Les entraves volontaires au système ou aux données s’y trouvant.

L’article 323-2 du Nouveau Code pénal définit l’entrave volontaire au système comme « Le fait d’entraver ou de fausser le fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données ». Le peine encourue est de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende. Cette infraction vise, notamment, l’introduction des programmes susceptibles d’entraîner une perturbation au système, tels que les virus, les bombes logiques etc.

L’article 323-3 du Nouveau Code pénal sanctionne, par ailleurs, l’introduction, la suppression ou la modification frauduleuses de données dans un système informatique. Les applications illicites visées par cet article sont nombreuses. Elles peuvent aller de la réduction du prix des marchandises sur un site de commerce électronique, la modification ou la suppression du contenu des bases de données à la modification du statut fiscal de l’entreprise.
En tout cas, ces agissements sont susceptibles d’entraîner une perte financière considérable au sein de l’entreprise.

b. La responsabilité civile délictuelle.

Le droit commun de la responsabilité civile délictuelle est fondée sur la nation de la faute au sens de l’article 1382 du Code civil. Elle nécessite une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux. La faute consiste ici en une intrusion dans un système informatique à l’insu de son utilisateur. Quant au dommage, il faut savoir s’il y a eu une perte et/ou une altération des informations contenues dans le site ou si le pirate a communiqué les données personnelles s’y trouvant à des tiers. Enfin, le lien de causalité entre la faute et le dommage doit être clairement établi.

Quid, pourtant, si le pirate n’est pas de nationalité française ou s’il opère de l’étranger ? La question qui se pose, dans ce cas, est celle de la compétence judiciaire internationale et de la loi applicable.

En droit français, le tribunal compétent pour juger un litige international est, en principe, celui du domicile du défendeur, à moins que le demandeur, s’il est français, ne souhaite invoquer le privilège de juridiction des articles 14 et 15 du Code civil. Or, ce dernier privilège est interdit dans le cadre de la Communauté européenne par la Convention de Bruxelles de 1973, devenue en 2000 un règlement « concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ».
S’agissant d’un délit ou d’un quasi-délit, les articles 5§3 de la Convention de Bruxelles et du règlement 44/2001 précité, posent une règle de compétence spéciale en faveur du tribunal où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

Ce lieu peut être aussi bien celui où le dommage est survenu qui celui de l’événement causal qui est à l’origine de ce dommage (CJCE, 30 novembre 1976, aff. C-21/76, Mines de potasse d’Alsace : Rec. CJCE, p. 1735).
Dans le cas où le dommage, causé par l’intrusion, serait survenu au sein du système informatique d’une société domiciliée en France, les juridictions françaises seraient sans doute compétentes pour juger le litige.
Quant à la loi applicable, le juge applique, de manière générale la lex loci delicti, c’est à dire la loi où le fait dommageable s’est produit. La Cour de Cassation a jugé que le lieu où le fait dommageable s’est produit s’entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que du lieu de réalisation de ce dernier (Cass. 1re civ., 14 janvier 1997, D. 1997, p.177).

c. La responsabilité civile contractuelle.

Il est possible, en effet, d’engager la responsabilité civile contractuelle de l’héberger du site. Pour cela, il faudrait examiner les clauses contenues dans le contrat d’hébergement concernant notamment la sécurité du site et la mise en place de systèmes informatiques de protection contre toute forme d’intrusion. Il faudrait aussi qualifier cette obligation de l’héberger : s’agit-il d’une obligation de résultat ou de moyens ? Dans la plus part de cas, il ne pourra s’agir que d’une obligation de moyens qui aura pour effet de contraindre le prestataire d’apporter la preuve qu’il n’a pas manqué aux obligations normales qui lui incombaient, en cas d’intrusion informatique non autorisée.

II. Les mesures préventives

Certes, la possibilité d’intenter une action a posteriori contre le responsable de l’intrusion existe. Est-ce, pourtant, une solution efficace ?

Sur le plan juridique, la difficulté réside sur l’administration de la preuve, d’autant plus si l’intrusion a été effectuée à partir d’un réseau ouvert de type Internet. En effet, même si l’origine de cette intrusion peut être détectée, l’identification de la personne qui se cache derrière celle-ci peut s’avérer extrêmement difficile. Or, l’étendue les dommages susceptibles d’être causés tant aux systèmes d’information attaqués et, par voie de conséquence, à l’entreprise qui les gère qu’à la crédibilité de cette dernière sur le plan professionnel, impose que des mesures de précaution soient prises.

En premier lieu, il est important d’insérer dans tous les contrats techniques une clause concernant la sécurité du contenu du système en cause, sous le double angle de la sécurité physique et logique. Dans le premier cas, il s’agira de déterminer les conditions d’accès au serveur en tant que matériel informatique (contrôle des personnes ayant accès dans l’espace où sera localisé le serveur, conditions d’intervention en cas de panne etc).

Dans l’hypothèse de la sécurité logique, le prestataire devra assurer la mise en place de systèmes informatiques de protection conformes aux technologies disponibles (sécurité logicielle, fire wall, anti-virus etc). A cet effet, une des solutions les plus efficaces consiste à isoler l’ordinateur connecté à l’Internet, afin d’empêcher les utilisateurs de s’en servir pour naviguer sur l’ensemble du système informatique. Les systèmes de signature électronique et de cryptologie permettent également d’assurer la sécurité des échanges.

Par ailleurs, on peut imaginer qu’une entreprise puisse souscrire une assurance contre le risque d’attaque informatique. Dans ce cas précis, le dédommagement dépendra du type d’assurance souscrite.