logo
abonnez go
Revue de presse
Archives Revue de presse
 
 

Les casinos on line (27 décembre 2002)

Pour ce qui concerne les jeux de hasard, la question est a priori extrêmement simple.

C’est une prohibition sans dérogation (sauf stricte procédure d’agrément sous la férule de l’Etat).

Le seul fait de participer à la tenue d’une maison de jeux de hasard (art. 1er, loi du 12/07/83, texte directement issu du Code de 1810) est pénalement répréhensible. Les auteurs semblent, à raison, s’accorder à dire que le substantif maison s’applique aux cyber-casinos.

En effet, l’interprétation stricte de la loi pénale n’est pas exclusive d’une appréciation téléologique : cf. jurisprudence pénale sur le vol d’énergie ou de données informatiques.

La qualification de vol n’est pas soumise au caractère tangible de la chose frauduleusement soustraite. Par analogie, le terme maison peut s’entendre comme tout établissement, même dématérialisé.

La difficulté tient davantage à la reconnaissance des casinos par quelques paradis légaux, ce qui pose, entre autre, la question du blanchiment d’argent.

Ici aussi, la théorie de l’ubiquité prévaudra, tout comme elle est appliquée aux USA : "It’s irrelevant that Internet gambling is legal in Antigua. The act of entering the bet and transmitting the information from NY via the Internet is adequate to constitute gambling activity within NY State".

En outre, la plupart de ces sites proposent des interfaces en français.

Toute personne engageant des fonds dans des casinos virtuels dont la fixation n’est pas certaine (ou juridiquement aléatoire), pourra-t-elle exercer un recours si elle considère son consentement vicié ou méconnaissant l’étendue de son engagement ? Si oui, contre qui ? Ne risque-t-elle pas de se voir opposer l’exception nemo auditur ?

Cette dernière règle est un adage qui signifie que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. A partir du moment où l’on considère que le jeu devient une nécessité pour l’utilisateur (ou tout simplement à partir du moment où il joue), ce dernier ne pourra se prévaloir du caractère prohibé du jeu pour remander la répétition des sommes misées.

La majorité des casinos sont des sociétés offshore. S’il sera possible d’obtenir un jugement favorable contre elles, plus délicate sera l’exécution même s’il existe des conventions bi ou multilatérales. A défaut de conventions, il faudra recourir à la lourde procédure de l’exequatur, plus théorique que pratique.

En revanche, une voie plus réaliste serait celle des intermédiaires, sur le fondement légal de la complicité

- complicité des intermédiaires (FAI/FHI), système de responsabilité aujourd’hui connu

- complicité des concepteurs de site (nemo censetur ignorare legem…)

- complicité de tous ceux qui placent un lien hypertexte sur un site illégal (voir l’affaire 2600.com aux USA)

- complicité des établissements financiers (VISA, EUROCARD / MASTERCARD) : voir l’intéressante affaire Haines (affaire des net gamblers sur news.cnet.com). C. Haines a perdu 70000 dollars en 18 mois et a assigné en Califormie la société VISA en remboursement de ses pertes en fondant la demande sur le fait que VISA savait ou aurait dû savoir que les transactions servaient à alimenter le compte d’un casino. D’autant plus que VISA touche un pourcentage de près de 5% sur chacune des transactions.

NB : une loi de Californie interdit tout jeu passant par voie téléphonique.

Cette affaire s’est terminée par une transaction.
Notons que la complicité est passible en France d’une amende de 30000 francs.

Si l’existence de casinos virtuels est considérée comme un trouble à l’ordre public, cette existence est surtout un trouble fiscal.

Pour information, l’Etat effectue diverses ponctions sur les entrées et mises dépensés par les joueurs.

Régime fiscal des casinos et cercles de jeux

Pour les contributions indirectes, les sommes sont prélevées par paliers par l’établissement de jeux sur les mises pratiquées :

- 10% jusqu’à 200000 franc

- 40% entre 200000 et 1500000 francs

- 70% au delà de 1500000

Pour le droit de timbre, il est prélevé sur les cartes d’entrée dans les cercles et casinos :

- 65 francs pour la journée

- 240 francs pour la semaine

- 600 francs pour le mois

- 1200 francs pour la saison

Les casinos sont exonérés de TVA puisqu’ils sont soumis au prélèvement progressif sur le produit des jeux.

De même, la CSG et le CRDS s’appliquent à une fraction des sommes misées sur les jeux de la française des jeux et du PMU et des produits des jeux réalisés dans les casinos.

Pour terminer, il convient d’examiner les sanctions applicables (tous jeux confondus) :

L’art. 3, al. 1, de la loi du 21 mai 1836 renvoie expressément à l’art. 2, al. 2, et à l’art. 3 de la loi du 12 juillet 1983.

Pour les personnes physiques, la peine principale encourue est de deux ans d’emprisonnement et de 200000 francs d’amende.

Les peines complémentaires sont multiples :

- interdiction des droits civiques, civils et de famille

- confiscation des biens mobiliers

- affichage ou diffusion de la décision prononcée

- fermeture de l’établissement pendant 5 ans au plus

- confiscation des appareils obligatoire

Pour les personnes morales :

- amende de 1000000 de francs

- fermeture de l’établissement pour 5 ans au plus

- confiscation des appareils

- affichage de la décision

En définitive, la question des loteries prohibées et surtout celle des casinos posent une fois de plus le délicat problème de la protection des ordres juridiques internes. Ce resserrement géographique est à l’encontre de la philosophie Internet et repose la question d’un droit de la toile tel que le préconise quelques juristes de l’ABA, mais qui va à l’encontre de la mouvance communautaire.

Blandine Poidevin
Avocat
bpoidevin@jurisexpert.net
www.jurisexpert.net
17 bis rue du magasin
59800 Lille
tel 03 20 21 97 18
fax 03 20 21 97 11

Textes applicables :

Loi du 21 mai 1836 relative à la prohibition des loteries
Loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard
(accessoirement les articles L.121-36 et s. du Code de la consommation sur les loteries réalisées par voie d’écrit pour les opérations publicitaires)

Sites :
Portail gagnetoo.com
maxiloterie.com
bananalotto.com
emilio.com
lotree.com
koodpo.com
luckyvillage.com
troppolotto.com (soc. de droit américain)