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Les loteries en ligne (27 décembre 2002)

La loi de 1836 pose pour principe la prohibition générale de toute disposition de biens par la voie du sort.
Quelques exceptions sont dispensées uniquement pour les biens meubles :

- objets mobiliers destinés à des actes de bienfaisance, à l’encouragement des arts ou au financement d’activités sportives à but non lucratif (sur autorisation administrative)

- lotos traditionnels (rifles) organisés dans un lieu restreint dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d’animation locale

- fêtes foraines

- casinos autorisés

Le texte de 1836 relève quatre éléments constitutifs de l’infraction pénale

- espérance de gain

- intervention du hasard

- publicité

- participation financière du joueur

Le seul critère posant véritablement problème est celui de la participation financière de l’utilisateur.

En effet, les loteries sont tacitement autorisées lorsqu’elles sont gratuites (RM Min. Finances, n°5691, JCP 87, IV, 40).

On considère que tout débours, quelle que soit sa nature ou son origine, est une participation financière.

La jurisprudence estime que la participation par la voie postale sans remboursement du timbre est illicite.

Par analogie, la participation à une loterie par Minitel lui confère un caractère onéreux.

Sur Internet, le coût de la communication téléphonique doit être pris en compte.

Les sites de loterie s’engagent pour cette raison à rembourser de tels frais à chaque participation à un jeu. Ils font même, pour la plupart, un remboursement forfaitaire distinct selon qu’il s’agit de la première connexion (qui nécessite un enregistrement) et les participations ultérieures plus rapides.

LuckyVillage.com

Il propose le remboursement forfaitaire de la participation au jeu :
5 francs lors de la première connexion
2 francs ensuite
+ remboursement du timbre en sus sur simple demande
règlement mensuel

TropoLotto.com

Respecte la législation fiscale de l’Etat de Californie (prélèvement de 7% sur le gain)

Koodpo.com

Remboursement des frais de connexion sur demande et sur justificatifs (facture détaillée ou numéro de jeu ?)
+ remb. du timbre

Emilio.com

remboursement forfaitaire de la participation au jeu :
5 francs lors de la première connexion
2 francs ensuite
justification du numéro
+ remboursement du timbre en sus sur simple demande
règlement mensuel

Bananalotto

Le règlement limite l’autorisation de jouer aux résidents française ou du Royaume-Uni.
Propose aussi un remboursement des frais de connexion.

Maxiloterie

Règlement succinct ne proposant pas le remboursement des frais de timbre.

Les utilisateurs qui bénéficient d’un accès par câblodistributeur ou d’un accès entièrement gratuit (accès + télécommunications) pourront ainsi se faire rembourser de sommes non dépensées (hormis l’électricité, si l’on considère qu’ils jouent chez eux…).

Ceci dit, les lots mis en jeu ne sont pas toujours attribués sous la forme d’une somme d’argent. Il est tout à fait possible d’obtenir des bons cadeaux. La condition est toujours la même : que le joueur n’engage aucune somme pour participer. La jurisprudence diverge sur l’interprétation de la notion de participation. La Cour d’appel de Caen (4 mars 1992, RJDA 7/93, n°664) estime l’opération illicite dès lors qu’il faut acheter le produit pour pouvoir bénéficier du lot. La DGCCRF abonde dans le même sens (Avis n°91-491 du 1er octobre 1991, BID 91/12, p.6).

En sens contraire, la Cour d’appel de Rennes (8 octobre 1992, RJDA 3/93, n°265) considère qu’un commerçant peut valablement organiser un jeu offrant par tirage au sort 1000 bons d’achat de 6000 francs à valoir sur l’achat de cuisines d’une valeur minimale de 30000 francs dès lors que les bénéficiaires des lots n’ont préalablement engagé aucune contribution et demeurent libres de ne pas faire usage de leur bon.

Sur le plan de la pure compétence, la théorie de l’ubiquité permettra aisément de retenir comme compétentes les juridictions françaises. Cette théorie émane de l’article L.113-2, al. 2, du Code pénal selon lequel "L’infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire." Transposé aux loteries, ainsi en est-il de l’organisation d’une loterie prohibée reprochée au dirigeant de deux sociétés ayant leur siège, l’une à Guernesey, l’autre à Londres, qui a organisé illégalement un concours de pronostics sur les résultats du Tour de France 1989, avec 900000 bulletins de participation imprimés et diffusés sur l’ensemble du territoire national, et 500 paris adressés en Angleterre (Cass. crim., 22 mai 1997, Bull. crim., p.646, n°198).

D’ailleurs, il en va souvent ainsi pour Internet (notamment en matière de contrefaçon), où la commission d’un élément constitutif de l’infraction peut être constatée partout sur le territoire national. Autant dire que le juge français sera toujours compétent. Ce qui ne veut pas dire qu’il s’agira nécessairement d’appliquer la loi française…, même si, en pratique, le juge français rattachera sa compétence territoriale avec l’application de la loi du for.

Sur le terrain de la propriété intellectuelle, à qui appartient le mot "loto" ?

La Française des Jeux, voyant son monopole s’effriter par la prolifération des loteries en ligne, a décidé d’attaquer les sites qui emploient le mot "loto", particulièrement dans leur nom de domaine. Forte de la protection du substantif loto par un dépôt de marque, elle a ainsi récemment assigné en référé la société Bingonet qui exploite le site Bananalotto.fr.

Revendiquant l’antériorité de la protection, la Française des Jeux invoque le trouble manifestement illicite et, au fond, le parasitisme, la contrefaçon et la concurrence déloyale pour l’exploitation d’un nom de domaine comprenant le mot litigieux. Elle demande corrélativement la cessation de l’utilisation de la dénomination "loto" sous astreinte de 25000 francs par jour.

A l’inverse, la société Bingonet argue du fait que le mot "loto" fait partie du domaine public puisqu’il est connu depuis 1732 et qu’il fut utilisé bien avant sa revendication par la Française des Jeux.

Enfin, par une ordonnance du 14 septembre 2000, le Président du TGI de Nanterre a débouté la Française des Jeux en ce qu’elle n’avait pas le monopole d’utilisation du mot "loto".

En attendant la décision au fond ou la décision d’appel, le mot "lotto" peut être librement utilisé…

Blandine Poidevin
Avocat
bpoidevin@jurisexpert.net
www.jurisexpert.net
17 bis rue du magasin
59800 Lille
tel 03 20 21 97 18
fax 03 20 21 97 11

Textes applicables :

Loi du 21 mai 1836 relative à la prohibition des loteries
Loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard
(accessoirement les articles L.121-36 et s. du Code de la consommation sur les loteries réalisées par voie d’écrit pour les opérations publicitaires)

Sites :
Portail gagnetoo.com
maxiloterie.com
bananalotto.com
emilio.com
lotree.com
koodpo.com
luckyvillage.com
troppolotto.com (soc. de droit américain)