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Interdiction de la vente par correspondance et site de distributeur agrée


Article paru le : 26 décembre 2002

Il convient également de rechercher si l’intérêt des consommateurs se trouve satisfait par la pratique de la vente àdistance. En matière de produits cosmétiques, les fabricants considèrent que la vente par correspondance est incompatible avec l’image de marque de leur entreprise, la notoriété de la marque et des produits.

Ils estiment, par ailleurs, que ce mode de distribution pourrait conduire à la "banalisation" de l’acte de vente, alors qu’en achetant un parfum, le consommateur achète une "part de rêve". Ce mode de distribution ne serait pas de nature à assurer une distribution adéquate des produits en cause.

Le TPICE s’est prononcé sur la comptabilité de la clause interdisant aux distributeurs de recourir à la vente par correspondance aux dispositions relatives aux ententes. L’interdiction de recourir à la vente par correspondance doit être objectivement justifiée. La nature des produits vont l’exiger. Il convient également de rechercher si l’intérêt des consommateurs s’en trouve ainsi satisfait.

Le contrat de distribution sélective ne peut pas davantage exclure a priori une catégorie de revendeurs potentiels du système. Ce principe a notamment été affirmé par le TPICE [1][15]. Il considère que la possibilité de vendre des produits sélectifs dans des hypermarchés, pour autant que les points de vente soient aménagés de façon appropriée et qu’ils acceptent des obligations équivalentes à celles acceptées par d’autres distributeurs agréés, ne peut être conventionnellement écartée. En d’autres termes, l’accès à la vente ne peut être refusé à un distributeur du fait de son appartenance à un canal de distribution particulier [2][16].

Le site internet du distributeur agréé

Les distributeurs disposant d’un site sur Internet ne sont évidemment pas insensibles aux opportunités qu’offre ce nouveau circuit de distribution. C’est le constat auquel conduit l’analyse de l’arrêt Fabre [3][17] qui oppose le fabricant de produits cosmétiques à l’un de ces distributeurs agréés qui avait pris l’initiative de vendre en ligne des produits pharmaceutiques. Le fournisseur peut-il s’opposer à la vente de ses produits en ligne ?

Plusieurs situations peuvent donc se présenter.

Dans le silence du contrat à propos de la vente sur Internet par le distributeur agréé

Comme rappelé ci-dessus, aucune forme de distribution n’est exclue du modèle de la distribution sélective.

Le promoteur du réseau doit démontrer que le système de distribution mis en place par le distributeur sur Internet n’est pas de nature à assurer la commercialisation des produits dans des conditions satisfaisantes. C’est à cette condition qu’il peut interdire à ses distributeurs d’y requérir, puisqu’au même titre que la vente par correspondance ou par la grande distribution, le commerce en ligne ne peut pas être exclu en tant que tel.

L’insertion d’une clause relative à la vente par correspondance

Le promoteur du réseau ne peut pas davantage se prévaloir d’une clause d’interdiction de vente par correspondance insérée dans le contrat de distribution sélective. La vente sur internet ne peut toutefois pas purement et simplement être assimilée à une vente par correspondance.

Une telle analyse serait en effet trop réductrice. Les arguments justifiant l’interdiction de recourir à la vente à distance traditionnelle ne sont pas nécessairement transposables, puisque les moyens qui peuvent être mis en place au travers d’un site Internet peuvent être très largement supérieurs à la vente par correspondance traditionnelle.

Le distributeur a plus de facilité à satisfaire à l’obligation de conseil, à assurer une présentation adéquate des produits sélectionnés dans ce contexte.

C’est pourquoi, il appartient au promoteur du réseau de prouver que les distributeurs contreviennent aux obligations contractuelles qu’il a librement accepté, pour qu’il puisse leur interdire de vendre en ligne ses produits.

Le fournisseur attache un intérêt particulier à l’environnement dans lequel se situe le point de vente. Cette exigence renvoie à des critères d’ordre géographique, naturel ou démographique. L’aménagement intérieur du magasin est également déterminant, elle garantie au fabricant une présentation valorisante des produits.

Primordiale en matière de produits de luxe, cette exigence offre l’assurance que la vente au public se réalise dans un cadre en harmonie avec le caractère luxueux et exclusif des produits. La jurisprudence considère en effet que ces critères de sélection ne sont pas en tant que tels restrictifs de concurrence, puisqu’ils permettent de s’assurer que les produits seront distribués dans un "contexte" approprié.

Il convient enfin de veiller à ce qu’ils soient appliqués sans discrimination. Les critères qui détermineront le choix du distributeur doivent être établis objectivement pour préserver la réputation du réseau [4][18]. Le promoteur du réseau peut donc écarter les candidatures qui ne lui paraissent pas remplir les conditions de qualification personnelle et professionnelle qu’exige la mise en place du réseau répondant à ses attentes [5][19].

Ce principe est de jurisprudence constante. Il faut démontrer que le distributeur n’est pas en mesure de satisfaire les exigences qu’il a souscrit pour que l’interdiction de recours à une forme particulière de vente soit objectivement justifiée [6][20]. En effet, un système de distribution ne peut être conçu dans le but de protéger les formes de commerce existantes de la concurrence des nouveaux opérateurs. S’il en était autrement, le réseau de distribution ne serait pas conforme à l’article 81§1 du traité de Rome [7][21].

L’autorisation tacite

On peut en effet déduire de l’imprécision du contrat une autorisation tacite accordant au distributeur le droit d’y recourir.

De nombreux contrats de distribution disposent que "le revendeur s’engage à tout faire pour développer les ventes". Or Internet est sans doute l’un des moyens de commercialisation les plus efficaces dont les distributeurs disposent pour accroître leurs ventes.

C’est la raison pour laquelle, en première instance, le Tribunal de Commerce de Pontoise a autorisé le distributeur à utiliser le Web pour vendre les produits para-pharmaceutiques en ligne [8][22]. Le fournisseur ne peut par conséquent pas s’opposer à l’emploi d’un canal de distribution supplémentaire. On peut donc en déduire que la création d’une boutique virtuelle ne représente qu’un moyen immatériel qui "ajoute aux modalités traditionnelles".

Internet trouve donc sa place dans le non-dit contractuel [9][23]. Bien que le contrat de distribution ne prévoit pas la commercialisation en ligne des produits distribués, le fournisseur ne peut interdire à ses distributeurs de vendre ses produits sur le réseau. C’est en ce sens que le TGI de Bordeaux s’est prononcé dans l’affaire Norwich Union [10][24].

En l’espèce, un agent d’assurance avait réalisé un site vitrine, sur lequel aucun service n’était vendu, mais la Compagnie entendait qu’il soit mis fin à l’exploitation du site, car elle n’avait pas consenti à sa mise en ligne. Le motif allégué fut rejeté par le TGI de Bordeaux, car force était de constater que la compagnie ne subissait pas de préjudice du fait du site. Au contraire, ce site était totalement consacré à la promotion des produits de Norwich et destiné à en développer les ventes.

La Commission Européenne a en effet pris soin de préciser que "chaque distributeur doit être libre d’utiliser Internet pour faire de la publicité ou la vente des produits" [11][25].

Le seul moyen dont semble disposer le fournisseur pour interdire la vente de ses produits via le réseau Internet consiste donc à prouver que la commercialisation sur Internet ne se réalise pas dans des conditions conformes aux exigences acceptées.

Les distributeurs ne peuvent en effet prétendre qu’ Internet constitue en tant que tel un marché pertinent afin de se soustraire aux exigences résultant du contrat de distribution sélective. Dans la mesure où la jurisprudence considère en effet qu’Internet est "un simple moyen de communication [12][26], il ne saurait constituer en soi un marché pertinent ».

Le juge considère dans cette affaire qu’internet constitue un élément du marché des parfums et produits cosmétiques. Le caractère substituable de l’achat sur internet (sur le site ou chez le parfumeur le plus proche) lui dénie la qualité de marché pertinent. Si internet avait été considéré comme un marché pertinent, les demandes des marques n’auraient pu prospérer, il s’agirait alors d’exclure un réseau de distribution a priori.

Poidevin
Avocat
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Avec la collaboration de Stéphanie De Buck

 [13][15] Affaire T-87/92 et T-19/92 GAEC/ Commission Bruxelles, Dalloz 1997,IR, p28.
 [14][16] Schaming B., La distribution sélective : une voie de plus en plus étroite, Dalloz 2000, Chronique, n°11.
 [15][17] Cour d’Appel de Versailles, arrêt Fabre Dermo-Cosmétiques c/ Alain B., 2décembre 1999, Expertises, mai 2000, p150, note NAPPEY A.
 [16][18] CJCE, 28 janvier 1986, affaire 161/84, Pronuptia, Recueil CJCE 1986, p353, attendu 20 - cas de la franchise
 [17][19] Décision n°87/14/CEE de la Commission, 17 décembre 1986, Yves Rocher, JOCE, L n°8 du 10 janvier 1987
 [18][20] CA de Paris, 15 septembre 1993, BOCCF, 8 avril 1994, p142.
 [19][21] Affaires du 12 décembre 1996 du Tribunal de Première Instance de la Communauté Européenne : Yves Saint Laurent -affaire T-19/92- et Givenchy -affaire T-88/92- Recueil CJCE II, p1851s. - Contrats, Concurrence, Consommation 1997, n°1, p13, note VOGEL L.
 [20][22] Affaire Fabre Dermo cosmétiques c/ Alain B. du Tribunal de Commerce de Pontoise du 15 avril 1999, Dalloz 1999, jurisprudence, p725, note MANARA C. - décision infirmée en appel
 [21][23] Expression empruntée à LINANT de BELLEFONDS X., Communication Commerce électronique, janvier 2000, n°8, p19
 [22][24] Affaire Norwich Union France c/ Peytureau du TGI de Bordeaux du 12 mai 1999, www.legalis.net
 [23][25] Lignes directrices sur les restrictions verticales, JOCE, C291, du 13 octobre 2000, paragraphe 51.
 [24][26] Tribunal de Commerce de Nanterre du 4 octobre 2000, affaire Parfumsnet, juriscom.net