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La compatibilité de la distribution en ligne au regard des conditions de distribution imposées  (26 décembre 2002)

La volonté du distributeur d’exploiter ce nouveau canal de distribution est légitime, il ne peut cependant s’affranchir des exigences contractuelles qu’il a accepté.

Il est par conséquent nécessaire de rechercher si la vente électronique est compatible avec les obligations contractuelles souscrites par les distributeurs.

L’interdiction faite au distributeur de vendre en ligne est illicite dès lors que cette forme particulière de commercialisation n’est pas incompatible avec une distribution adéquate des produits en cause.

Parmi les obligations souscrites par le distributeur, deux exigences peuvent être invoquées par le fabricant pour empêcher la vente de ses produits en ligne : l’information de la clientèle (b) et la présentation des produits (a). Si la vente ou la présentation en ligne des produits respectent les exigences essentielles du fournisseur, elle pourra être admise et à ce titre le fournisseur tentera de préserver l’unité du réseau (c).

La jurisprudence procède au cas par cas afin de déterminer si la distribution sur Internet satisfait les obligations imposées au distributeur.

(a) La présentation des produits

Le promoteur du réseau veille tout d’abord à ce que ses produits soient présentés de manière satisfaisante sur le lieu de vente, dans lequel le fournisseur a requis la présence d’un personnel capable de conseiller la clientèle.

Dans l’affaire Fabre, la Cour d’Appel de Versailles[27] constate que la marchandise est présentée sur le site "sans la moindre recherche esthétique" pour en déduire que la commercialisation sur Internet ne permet pas d’obtenir les mêmes résultats que la distribution traditionnelle. En effet, les internautes qui se connectaient sur ce site disposaient d’une simple liste de produit sans qu’ils ne puissent visualiser le produit ni même son emballage, puisque le site ne disposait pas d’une vitrine.

Dans cette affaire, outre l’interdiction de vente par le site, le juge a également interdit toute référence aux produits sur le site litigieux.

(b) Concernant la relation avec l’acheteur (devoir de conseil)

Alors que le distributeur s’est engagé à offrir des réponses appropriées aux questions que la clientèle peut se poser, Internet ne permettrait pas selon la Cour[28] de prodiguer au cyber-consommateur un conseil personnalisé satisfaisant, dans la mesure où il passe "par le truchement des images fixes d’un écran d’ordinateur".

Le recours à la vente en ligne suscite en effet de nombreuses critiques puisque les conseils ne peuvent être donnés immédiatement. L’internaute a la faculté de poser les questions qu’il désire au distributeur par E-mail, mais Internet nécessite le respect d’un délai de réponse.

De plus, les conseils ne peuvent être donnés que sur les indications du client, sans qu’il soit possible de demander à ce dernier les précisions nécessaires pour apprécier ses besoins réels que le contact physique avec le vendeur permet.

Ce qui conduit une partie de la doctrine à affirmer que la désignation d’un lieu particulier de commercialisation présente une dimension fonctionnelle plus intéressante[29]. lorsqu’il s’agit d’accorder au consommateur une information appropriée.

On peut par conséquent se demander si la qualité des conseils donnés au cyber-consommateur équivaut à celle offerte sur un point de vente traditionnel. Il semble par conséquent difficile de remplacer le contact humain qui caractérise le commerce traditionnel. Cela n’est cependant pas impossible.

En effet, on voit apparaître certains sites qui s’engagent à la présence d’un professionnel derrière l’écran à une heure fixe chaque jour et qui répond en direct [par chat] aux questions posées.

Le contact physique peut également être un préalable et la vente en lignes les sites de la relation entre le professionnel et le consommateur après une première analyse des attentes des clients. Des assistants de ventes, les univers en 3D permettent au client de connaître le produit aussi bien qu’en magasin.

La Cour déclare dans l’affaire Fabre : "si l’on peut imaginer que dans l’avenir ce mode de distribution puisse s’intégrer dans un réseau de distribution sélective, avec les critères de qualité à définir, il est patent qu’en l’espèce le site Internet "paraformplus.com" ne remplit pas ces exigences.

Si certains produits semblent aujourd’hui requérir un lien physique avec le consommateur[30], les perspectives que nous offrira Internet devront pouvoir respecter l’ensemble des exigences des fournisseurs.

Le réseau Internet est en constante évolution.

L’accroissement des débits sur Internet, l’utilisation de webcams (caméras numériques reliées au réseau) ou de moyens de visio-conférence permettront de prodiguer aux clients des conseils personnalisés en direct.

L’évolution des nouvelles technologie améliore chaque jour l’interactivité de la relation qui se noue entre vendeur et acheteur sur le Web. Le fait que l’industrie du luxe utilise Internet pour présenter ses produits est révélateur de l’intérêt qu’il suscite.

L’utilisation des nouvelles technologies peut offrir une présentation valorisante des produits. Ces derniers peuvent, par exemple, être représentés en trois dimensions, technologie aujourd’hui très prisée.

Dans le même sens, l’interdiction de toute référence aux produits doit être analysée aux regards des conditions de présentation exigées par le fournisseur

Blandine Poidevin
Avocat
Contact : bpoidevin@jurisexpert.net
Tel : 03 20 21 97 18
Fax : 03 20 21 97 11
Avec la collaboration de Stéphanie De Buck

[27] CA Versailles, 13ème ch., Affaire SA Pierre Fabre Dermo Cosmétiques et autres c/ M. Breckler A. 2 décembre 1999, Revue Lamy Droit des affaires, mars 2000, n°1567, p16

[28] CA de Versailles, 2 décembre 1999, supra note 107

[29] BOUT R., PRIETO C. et CAS G., Lamy Droit économique 1999, n°4116

[30]Maître VERBIEST T., "Comment concilier la distribution sélective et Internet ?", http://www.juriscom.net