Le nom patronymique, ou nom de famille, est pour un auteur ou un artiste un élément important d’identification de son œuvre. A ce titre, le droit de la propriété intellectuelle lui confère un certain niveau de protection que la jurisprudence est venue circonscrire dans des limites strictes. Par son arrêt du 10 avril 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation a rappelé en ce sens que cette protection du nom patronymique en France, s’appliquant essentiellement à l’artiste est son œuvre, était conditionnée.
Le nom patronymique, qui étymologiquement s’entendait du nom transmis par le père, doit s’entendre dans le code de la propriété intellectuelle comme le nom de famille de l’auteur de l’œuvre, peu important que ce soit celui de son père, de sa mère ou des deux.
En l’espèce, l’arrêt du 10 avril 2013, statuait sur une affaire opposant un auteur à la marque Coca-Cola, qui utilisait son nom pour un de ses produits. L’auteur estimait qu’une telle reprise portait atteinte à sa notoriété et à la qualité de son œuvre.
En effet, l’article L121-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre » et que « ce droit est attaché à sa personne ». Il s’agit d’une des deux branches du droit d’auteur qui comprend d’une part des droits moraux, comme en l’espèce, et d’autre part des droits patrimoniaux, qui sont d’un contexte tout autre. L’auteur a cru ainsi pouvoir protéger son nom d’une utilisation non voulue par lui, alors même que cette utilisation ne se rapportait à aucune de ses œuvres.
Par ailleurs, le demandeur invoquait également l’article L711-4 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que « ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment […] au droit de la personnalité d’un tiers, notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme ou à son image ». Cet article empêche une réutilisation d’un nom patronymique comme marque à la condition que cette réutilisation porte atteinte à des droits antérieurs. La Cour assimile cette réutilisation à une usurpation ce qui emporte des conséquences, alors même que le bénéfice de cet article n’a pas non plus été reconnu à l’auteur.
La question qui se posait à la Cour de cassation portait donc d’une part sur l’acception de à l’expression de nom patronymique au sens du code de la propriété intellectuelle, dont dépend l’articulation entre la notion et la protection des droits moraux de l’auteur.
La Cour de cassation a débouté le demandeur en rejetant son pourvoi, en estimant que la protection que garantit le code de la propriété intellectuelle, notamment en son article L121-1, ne s’entendait que dans le cas de la protection d’une œuvre déterminée. En somme, cette protection ne bénéficie pas au nom pris individuellement.
La protection par le droit d’auteur n’en reste pas moins possible, selon des conditions que rappelle l’arrêt, qui s’inscrit dans une jurisprudence relativement constante. D’autre part, le nom patronymique reste toujours protégeable contre certaines atteintes qui sortent du champ du droit d’auteur. Ainsi, la protection du nom patronymique est conditionné par l’existence d’œuvre en termes de droit d’auteur (I) alors qu’en l’absence de cette condition, les protections de droit commun trouvent tout de même à s’appliquer (II). Il n’existe, quoi qu’il en soit, pas de protection générale de droit commun d’office, elle doit toujours s’assortir d’un préjudice.
I - Le nom patronymique de l’auteur et son œuvre
Le droit de la propriété intellectuelle, lorsqu’il protège l’auteur contre des utilisations indésirables de son nom, vise en réalité à protéger la réputation de l’auteur et de son œuvre. Le mécanisme n’a de fait pas pour objet la seule protection du nom patronymique pris individuellement : ce n’est finalement qu’un moyen de préserver l’intégrité de l’œuvre ainsi que son originalité, condition pour qu’elle soit précisément protégée par le droit d’auteur. Cette protection du lien entre l’auteur et son œuvre (A) peut toutefois être compléter par d’autres protection garanties par la propriété intellectuelle (B).
A - La protection du lien entre l’auteur et son œuvre
La jurisprudence est constante sur la question de la protection du nom de l’auteur : ce n’est que dans sa relation avec l’œuvre que celle-ci peut jouer. Autrement dit, ce n’est que parce que l’œuvre revêt un caractère original, élément essentiel du droit d’auteur, que le nom de son auteur est protégé contre les détournements. Ainsi, la première chambre civile de la Cour de cassation a consacré cette limite dans un arrêt du 10 mars 1993 que l’arrêt du 10 avril 2013 reprend dans sa logique.
Ce dernier arrêt précise clairement que le droit moral n’a pour but que de protéger l’œuvre. Si la solution inverse avait été retenue, le nom de l’artiste aurait bénéficié finalement d’une protection autonome sans qu’entrent en considération ses œuvres. Ce serait créer une protection du nom patronymique beaucoup trop large et malvenue : le droit d’auteur étant automatique du moment qu’une personne crée une œuvre originale, n’importe qui pourrait prétendre être un auteur ou un artiste et protéger son nom de cette façon. Cette situation absurde n’est évidemment pas envisageable et les juges ont rappelé à juste titre que la protection du nom de l’auteur dépend de ses œuvres et vise à protéger l’intégrité de celle-ci, leur unicité ainsi que la paternité que l’auteur a sur elles.
Il convient à ce stade de préciser aussi que la notion de nom patronymique est strictement entendue par l’article L121-1. Elle ne comprend pas, par exemple, les pseudonymes, comme les noms d’artiste par exemple, qui, eux, peuvent être protégés par le droit d’auteur. Mais ils répondent, quoi qu’il arrive, à la condition d’originalité. En revanche, le nom patronymique peut tout à fait être protégé au titre de marque.
B - Les autres protections du droit de la propriété intellectuelle
A l’inverse de la protection au titre du droit moral du nom de l’auteur, qui n’est pas indépendante, il devrait en aller différemment en cas de pseudonyme, comme un nom d’artiste par exemple. Puisque le nom patronymique n’est pas choisi par nature, à l’inverse la protection par le droit d’auteur d’un pseudonyme devrait pouvoir bénéficier de la protection du droit d’auteur en lui-même. Cependant, la difficulté réside toujours dans la condition d’originalité. Choisir un nom classique comme pseudonyme ne saurait résulter d’une quelconque originalité.
Cependant, une autre possibilité s’offre aux personnes désireuses et ayant intérêt à protéger a priori leur nom contre des utilisations indésirables. Ainsi est-il possible de déposer son nom en tant que marque auprès de l’INPI (l’Institut national de la propriété industrielle) afin de se prémunir des contrefaçons qui pourraient être tentées contre la production vendue sous son nom. Déposer un nom patronymique comme marque n’est toutefois possible que lorsque son propriétaire utilise effectivement son nom comme signe distinctif de sa production et qu’il est susceptible de représentation graphique. De plus, la marque doit effectivement être utilisée, afin de ne pas tomber en désuétude.
Le dépôt d’un nom comme marque n’est pas une solution ouverte à tous. Il reste néanmoins les protections de droit commun du nom patronymique qui peuvent être tout aussi suffisantes. Elles trouvent à s’appliquer a posteriori, ce qui a l’avantage d’offrir une protection relativement automatique et qui ne nécessite pas de démarche au préalable.
II - Les protections de droit commun du nom patronymique
Toutes les utilisations non désirées du nom patronymique ont pour point commun qu’elles risquent de créer une confusion dans l’esprit des gens avec le nom patronymique de la personne qui en cherche la protection ou qui est victime de cette utilisation. C’est la raison pour laquelle toutes les protections du nom patronymiques, aussi bien en propriété intellectuelle qu’en général, sont une réponse à ce risque de confusion (A) que l’on retrouve alors logiquement dans les atteintes au droit de la personnalité (B).
A - La généralité de la condition du risque de confusion
C’est la protection au titre de marque qui est la plus significative quant à la condition du risque de confusion. Puisqu’il s’agit d’un signe distinctif, il convient qu’aucun autre signe d’une marque concurrente n’induise en erreur un consommateur normalement informé. La marque jouant un rôle d’identification des produits, gage de qualité notamment, la protection qui s’y attache vise à protéger ce lien et à le rendre unique. Il importe peu d’ailleurs à ce stade que la marque soit un nom patronymique ou non.
Suivant le même raisonnement, toutes les protections du nom patronymique que l’on trouve s’articulent plus ou moins autour de la même idée. La protection de l’auteur au titre du droit moral importe en ce qu’elle est un outil pour écarter tout risque de confusion avec un autre. Une personne qui détournerait l’œuvre d’un artiste en réutilisant le nom de celui-ci créerait ainsi la confusion dans l’esprit des tiers.
Le risque de confusion est aussi la trame de délits comme l’usurpation d’identité ou de l’atteinte, plus généralement, au droit de la personnalité, qui se sont illustrées dans des affaires relativement connues. Dans ce cas, c’est bien la confusion qui pouvait être faite avec le propriétaire légitime du nom, qui retient, ou non, l’attention des juges.
B - Les atteintes au droit de la personnalité
Du fait que le nom est dévolu à la personne de droit, de façon « autoritaire » selon certains auteurs, découle une protection légale étendue contre les abus qui peuvent en être fait. Il même possible dans certains cas limités de procéder à la modification de son état civil. Il existe de même une exception lors du choix du nom d’usage au moment du mariage et en termes de filiation, bien que le choix soit évidemment extrêmement restreint. Mais quoi qu’il en soit, le choix très restreint du nom impose en contrepartie qu’il ne puisse être utilisé à tort par un autre. Ainsi l’usurpation d’identité est sanctionnée sans surprise par le droit pénal.
De façon plus originale, dans un arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 octobre 1998, les demandeurs invoquaient un préjudice du fait que les héros d’une bande dessinée, personnages grotesques et vulgaires, portaient le même nom qu’eux. Les juges, suivant une ligne de conduite bien connue maintenant, ont écarté leurs prétentions du fait que l’amalgame entre eux et ces personnages fictifs n’était pas possible et que la confusion n’était pas plus qualifiée, bien que le nom en question semblait assez rare. A l’inverse, dans des affaires différentes, des préjudices plus graves étaient subis et qui justifiaient d’interdire l’utiliser les noms des requérants.
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