Financer son site par la publicité est l’objectif essentiel d’un grand nombre de porteurs de projet sur Internet. Même si le marché, a par la force des choses pris de la maturité depuis la fin de l’année 2000, on peut considérer que durant les premières années d’Internet, le financement publicitaire fut pour beaucoup d’acteurs un véritable miroir aux alouettes.
En effet, un grand nombre d’acteurs ont surestimé les rentrées potentielles et sous-estimé les difficultés liées au fait d’accueillir des annonceurs.
De nombreux facteurs sont à prendre en compte pour tenter d’estimer de manière raisonnable le potentiel de revenus publicitaires correspondant à un site.
Le raisonnement parfois simpliste de l’alouette est le suivant : "Mon site va compter, après sa phase de lancement, 5 000 000 de pages vues par mois, ce qui doit pouvoir me donner, sur la base d’un coût pour mille moyen de 15 Euros, un revenu publicitaire mensuel de 75 mille Euros".
Hors, malheuresement, de nombreux éléments viennent contrarier cette belle arithmétique et les porteurs de projets doivent évidemment les prendre en compte.
Les invendus
Dans la pratique, il s’avère que la plupart des sites ne vendent qu’une partie de l’espace publicitaire dont ils disposent. Selon la plupart des sociétés d’études, ces invendus représenteraient de 60 à 70 % des pages disponibles pour la majeure partie des sites financés par la publicité.
Sur les annuaires et moteurs ou certains sites communautaires, la proportion serait parfois encore plus forte car il s’agit de véritables machines à créer des pages vues. Ce fait se constate aisément sur les annuaires, car les espaces invendus sont généralement utilisés pour des bandeaux vantant d’autres services ou d’autres rubriques.
Le phénomène est parfois plus difficile à mettre en évidence, car les invendus peuvent être masqués par des échanges d’espaces qui sont très souvent pratiqués sur le réseau ou par une commercialisation de l’espace excédentaire par le biais de réseaux commercialisant l’espace au clic à des conditions beaucoup moins avantageuses pour l’éditeur que celles de son catalogue officiel.
D’un autre coté, certains sites particulièrement demandés par des annonceurs captifs vendent quasiment la totalité de leur espace publicitaire, mais ils sont devenus très peu nombreux voire inexistants.
Les coûts de commercialisation
Les coûts de commercialisation de l’espace se traduisent soit par des charges internes correspondant à des salaires et à l’utilisation d’un serveur publicitaire, soit à la rémunération de la régie.
Lorsque la régie est internalisée, elle comprend une équipe commerciale qui gère les relation avec les agences et annonceurs ainsi qu’avec les sites supports et un ou deux trafic managers à compétences plus techniques qui sont chargés des mises en ligne et des programmation de campagne.
Un site ne disposant pas de sa propre régie et souhaitant commercialiser son espace publicitaire doit s’adresser à une régie spécialisée. Cette régie se rémunère par une commission prélevée sur les ventes d’espace qu’elle réalise pour le compte de ses clients.
Le taux de commission prélevée varie en fonction de la taille du site pris en régie et de la régie, mais il sera généralement compris entre 30 et 40 % pour un site de taille moyenne dont l’audience est comprise entre 500 000 et quelques millions de pages vues par mois.
Bien sûr, pour des sites comptant plusieurs dizaines de millions de pages vues mensuelles, les taux de commissions prélevés par la régie peuvent être nettement inférieurs.
La régie n’est théoriquement pas un point de passage obligatoire mais un responsable de site ne doit surtout pas sous estimer la difficulté de trouver des annonceurs et les coûts de recherche et de négociation liés à la démarche.
Les conditions générales de vente
Quelque soit le média, les conditions générales de vente des régies externes ou internes prévoient de nombreux cas de remises à destination de leurs clients qui vont diminuer d’autant le montant facturé à l’annonceur ou à son agence. Ces remises peuvent facilement atteindre de 25 à 35 % du montant initial.
La négociation
L’offre dépassant largement la demande, le marché de la publicité sur Internet est un marché ou l’acheteur est, pour l’instant, dans la plupart des cas en position de force.
Comme pour tous les marchés confrontés à cette situation, la négociation peut alors jouer fortement sur les prix affichés par les régies. Cette négociation peut porter directement sur les tarifs ou se traduire par une « prime » d’espace gratuit.
Il est évidemment difficile de mesurer l’amplitude exacte de ces pratiques, car elles dépendent fortement de la situation de l’annonceur, du secteur du site support et elles sont bien sur pratiquées dans la plus grande discrétion.
Naturellement, les plus grandes amplitudes de négociation se trouvent généralement du coté des sites supports de la « nouvelle économie » qui sont souvent dans des situations financières délicates et qui sont souvent prêt à casser les prix dans des proportions parfois très importantes. Dans ces cas extrêmes, les prix peuvent se retrouver divisés par 2 ou 3 voire plus.
Dans d’autres cas, l’amplitude de négociation sera très limitée pour des sites supports n’ayant pas de difficultés particulières.
L’amplitude de négociation dépend également de la situation de l’acheteur d’espace, il est plus difficile de négocier lorsqu’on cible une audience particulière sur un période précise que lorsque la campagne ne nécessite pas un timing particulier et peut se dérouler sur un grand nombre de site. Certains annonceurs pratiquent ainsi avec succès ce qu’on pourrait appeler l’achat opportuniste. Il ne s’agit pas alors de mener réellement un campagne planifiée, mais de profiter d’occasions d’achat de dernière minute sur une grande diversité de supports.
L’évolution des prix
Le marché étant un marché ou l’offre est excédentaire, la tendance est naturellement en moyenne à la baisse des prix, même si celle ci se s’opère plus fortement de façon opaque dans les phases de négociation, elle se traduit également un peu dans les catalogues officiels des régies, notamment pour la tarification des nouveaux sites. Cette baisse du coût pour mille moyen s’établie probablement entre 10 et 20 % par an.
La surestimation du nombre de pages vues avec publicité
Il est très fréquent qu’un responsable de site rentrant en régie et ayant inséré des tags publicitaires sur toutes ses pages, constate une différence notable, souvent de 10 à 20 %, entre le nombre de pages vues annoncées par l’outil de mesure d’audience propre au site et un nombre inférieur de pages comptabilisées par le serveur de la régie.
Cette différence est due au fait que selon les réglages et les outils utilisés, le serveur publicitaire ne compte éventuellement que les bandeaux publicitaires qui sont totalement chargés sur le navigateur de l’internaute. Ainsi, une page demandée sur le serveur du site support ne se traduit pas forcément par le comptage d’un bandeau affiché coté serveur publicitaire.
Cette différence affecte finalement peu les revenus escomptés dans la mesure ou de toute façon l’espace théorique n’est que rarement vendu en totalité.
Nouveau calcul
En reprenant le calcul initial de l’alouette, le potentiel de revenu publicitaire n’est donc plus de 75 000 Euros, loin s’en faut.
Avec un taux d’invendus de 60 %, les 5 millions de pages ne donnent plus que 3 millions de pages avec publicité.
En prenant en compte les 15 % de la remise professionnelle, 10 % de remise volume, 4% de remise réseau, 3% de remise de bienvenue et 3% de remise fidélité, on arrive à un total remise de 35%, ce qui fait que le CPM effectif n’est plus 15 Euros mais de 9,75 Euros.
Le montant de l’espace vendu correspond donc à 29 250 Euros (3000 X 9,75), ce qui laisse au site, une fois les 30 % de la régie prélevés, une rentrée publicitaire de 20 475 Euros contre un espoir initial de 75 000 mille Euros, soit près de 4 fois moins !
Le calcul n’est bien sur qu’approximatif, mais il donne une idée du décalage entre un calcul théorique de départ et le revenu potentiel réel. Bien sur, la grande majorités des initiateurs actuels de projet Internet à financement publicitaire intègrent dès le départ ce calcul, mais ce ne fut pas forcément toujours le cas.