Il y a déjà quelques années, quelques annonceurs ou leur agence ont eu l’idée d’utiliser de faux sites personnels pour promouvoir des produits ou services. Dans la grande majorité des cas, il s’agissait de faux sites à vocation parodique qui ne cherchaient pas à tromper les visiteurs, mais plutôt à jouer sur la notion de second degré et à instaurer une certaine connivence avec le public visé.
Le succès ou l’effet de mode lié au phénomène des blogs a relancé récemment ce type de pratiques, avec pour les agences, l’idée de créer de faux blogs qui émaneraient d’utilisateurs enthousiastes d’un produit ou service.
La aussi, il convient de faire une distinction entre les faux blogs qui s’affichent comme tels ou qui font l’objet d’une révélation assez rapide et des initiatives qui visent à ne jamais révéler que le blog est un faux.
Le premier cas de figure est difficilement critiquable, même si, la campagne doit être très habilement menée pour rencontrer le succès et donner lieu à un vrai retour sur investissement (voir un article spécifique sur le sujet).
Le deuxième cas est beaucoup plus contestable sur le plan déontologique, mais également sur celui de l’efficacité marketing.
Les limites déontologiques, voire juridiques
Le procédé est évidemment critiquable sur le plan déontologique, puisqu’il peut être assimilé à une tromperie ou un abus de confiance vis à vis des lecteurs du blog. Le problème déontologique soulevé est d’autant plus fort que ce type de blog vise souvent une audience de jeunes.
Par ailleurs, dans le contexte juridique français, on peut se demander s’il ne peut y avoir des risques de poursuites si le rôle de l’agence ou de l’annonceur apparaît au grand jour. En effet, le blog pourrait alors être considéré comme une publicité et soumis à ce titre aux obligations légales habituelles. A la connaissance de l’auteur de cet article, il n’existe pas actuellement de jurisprudence sur ce sujet.
Le problème de l’efficacité marketing de la pratique
Sur le plan de l’efficacité marketing la création d’un faux blog présente également de fortes limites.
La première de ces limites est celle du retour sur investissement. Pour que l’investissement lié à la démarche de création d’un faux blog puisse être rentabilisée dans un univers B to C, il faut bénéficier sur le blog d’un trafic se comptant au minimum en milliers de visites.
Ces chiffres de fréquentation sont très importants pour un blog. En effet, le phénomène de mode lié aux blogs et le succès hors normes de certains blogs médiatiques ne doit pas faire oublier que la majorité des blogs ne reçoivent au mieux que quelques dizaines de visiteurs par mois.
La difficulté de créer du trafic sur un faux blog est évidemment renforcée par le fait qu’il n’est pas possible ou très difficile de mettre en place une campagne de communication organisée qui pourrait être un indice sur la vraie nature du blog.
La deuxième limite est évidemment celle du risque pour l’annonceur d’être démasqué et de subir un retour de bâton de la part des internautes qui n’apprécient guère en général les tentatives de manipulation. Ce risque est d’autant plus fort, que dans ce cas, il y a de grande chances que quelques titres de presses en ligne ou traditionnels se fassent l’écho de la mésaventure de l’annonceur.
Un exemple datant de l’automne 2004 illustre bien les deux limites d’efficacité marketing évoquées ci-dessus.
Mazda et son agence aux Etats-Unis ont souhaité faire revivre deux spot vidéos publicitaires pour le modèle M3 qui n’avaient pas connu le succès quelques temps auparavant. Pour essayer de relancer une diffusion virale de ces vidéos, un blog fut créé sous une fausse identité par un individu soit-disant amateur de scènes de poursuites automobiles et hébergé chez le service de blogs de Google.
La supercherie fut démasquée, car les deux spots étaient également présents sur le site de l’agence gérant les campagnes virales du constructeur et parce que les films n’étaient jamais passés sur la chaîne où le faux blogger les avaient théoriquement enregistrés. Par ailleurs, les vidéos étaient hébergées par un spécialiste haut de gamme de ce type d’hébergement.
Bien sur, l’agence et l’annonceur furent brocardés par quelques titres de presse et par divers leaders d’opinions et le blog disparut presque aussitôt mystérieusement.
Par ailleurs, il est intéressant de noter, qu’avant sa disparition, le site ne comptait que centaines de visite dont probablement un bonne partie provoquées par le début de polémique.
Par nature les campagnes d’undercover marketing utilisant des faux blogs ne sont pas rendues publiques et il est donc difficile d’avoir des exemples de campagnes réussies. Il semble cependant certain que la pratique est utilisée dans des secteurs tels que le cinéma, les jeux vidéo ou autres produits high-tech.