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Quelle protection pour le jeu vidéo ? (19 février 2012)

Les contours de la protection du jeu vidéo n’ont cessé d’évoluer ces dernières années. La jurisprudence a en effet hésité entre une qualification d’œuvre unitaire, ou d’œuvre distributive. Se décidant pour la seconde, un jugement récent attribuerait la qualité d’œuvre de collaboration au jeu vidéo, sa protection étant ainsi régie par les règles applicables à ce type d’œuvre.

I L’hésitation jurisprudentielle menant à une qualification distributive du jeu vidéo

A. Le jeu vidéo : une œuvre unitaire protégée par le régime des logiciels

Le jeu vidéo étant un regroupement de différentes contributions de nature différente, logicielle, musicale, graphique, qui forme un tout, sa qualification pose donc un problème évident.

La jurisprudence s’est dirigée vers une qualification unitaire du jeu vidéo. Il s’agit alors de dégager un des éléments du jeu vidéo d’étendre l’application des règles qui lui sont propres à l’ensemble des éléments constitutifs du jeu vidéo.

Dans l’arrêt Midway de la Cour de Cassation du 21 juin 2000 (http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007605470&fastReqId=2042143203&fastPos=1), les juges qualifient donc clairement le jeu vidéo d’œuvre logicielle unitaire dont la protection est largement avantageuse pour l’éditeur de ladite œuvre ayant la qualité d’auteur.

Cette qualification a été largement critiquée au point d’aboutir à un changement de qualification opérée par l’arrêt de la Cour de Cassation CRYO du 25 juin 2009 (http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000020800632&fastReqId=828058287&fastPos=1).

B. Qualification distributive du jeu vidéo : chaque élément protégé en fonction de sa nature

La jurisprudence s’est tournée vers une qualification distributive du jeu vidéo, l’arrêt CRYO du 25 juin 2009 de la Cour de cassation considère ainsi que chacune des parties distinctes doit être régie par les règles qui lui sont applicables en fonction de sa nature.

Il en résulte que la partie logicielle du jeu vidéo reste protégée par le régime spécifique accordé aux logiciels. En revanche, les auteurs des autres éléments pourront invoquer les règles spécifiques à la nature de leur contribution. Il s’agit là d’une avancée importante pour ces auteurs qui voient leurs droits renforcés.

En premier lieu, comme c’est le cas pour tous types d’œuvre, les auteurs devront satisfaire la condition de l’originalité de leur contribution au jeu vidéo pour se prévaloir de la protection par le droit d’auteur.

La question de la composition musicale insérée au jeu vidéo a par ailleurs fait l’objet d’un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 30 septembre 2011. Ce jugement a une portée large en ce qu’il vient préciser le statut du jeu vidéo et de sa protection en se fondant sur la jurisprudence CRYO.

II Mise en œuvre de la protection du jeu vidéo : l’œuvre audiovisuelle de collaboration

A. La protection du jeu vidéo par le statut de l’œuvre collective écartée

Dans le jugement du TGI de Paris du 30 septembre 2011, les juges ont privilégié le statut d’œuvre audiovisuelle de collaboration pour le jeu vidéo au détriment de celui qui plus avantageux pour l’éditeur du jeu vidéo, le statut d’œuvre collective. En cela, les juges se placent dans les sillons de la jurisprudence CRYO, en rejetant la qualification d’œuvre unitaire (œuvre collective) au profite de l’œuvre distributive (œuvre de collaboration).

En effet, dans cette affaire, il était question d’une composition musicale créée dans le cadre d’un contrat de travail conclu avec une société spécialisée dans le domaine du jeu vidéo et destinée à un jeu vidéo donné. Cependant, le demandeur, c’est-à-dire la personne à l’origine de la composition musicale en question, s’est aperçu que les morceaux de musique qu’il avait crées étaient également rassemblés sur un CD commercialisé sur un site internet, et cela sans son autorisation. Le demandeur s’estimant être l’auteur de ces morceaux a donc assigné la société en contrefaçon de droit d’auteur.

La société défenderesse a quant elle estimé que le demandeur de pouvait invoquer sa qualité d’auteur dans la mesure où il ne disposait pas d’une liberté de création, mais qu’au contraire il était subordonné aux instructions de la société.

La question s’est donc posée de savoir s’il était possible d’assimiler le jeu vidéo à une œuvre collective.

Dans le jugement du 30 septembre, le tribunal retient que la composition musicale peut être séparée du jeu vidéo et qu’il est possible d’attribuer un droit distinct au compositeur sur cette contribution. De plus, le tribunal souligne l’indépendance de création dont a bénéficié l’auteur. Les juges ont tiré de ces constatations la qualité d’auteur du compositeur.

En cela, le tribunal écarte le jeu vidéo du régime de l’œuvre collective dans la mesure où l’autonomie dans le processus créatif a été caractérisée.

Au regard de ce qui précède, le TGI de Paris a donc conclu que le jeu vidéo constituait une œuvre de collaboration ouvrant le droit à la protection par le droit d’auteur. La question est à présent de savoir comment s’organise cette protection si toutefois cette qualification était retenue.

B. La protection du jeu vidéo par le régime de l’œuvre de collaboration

L’article L. 113-3 précise que « L’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Ils doivent exercer leurs droits d’un commun accord. En cas de désaccord, il appartiendra à la juridiction civile de statuer. »

Il découle de cet article que les actes d’exploitation du jeu vidéo devront être consentis par l’ensemble des coauteurs, ce qui a été confirmé par l’arrêt de la 1ere Ch. Civ. de la Cour de cassation du 19 décembre 1989. Ainsi, dans l’hypothèse où le contentement de l’ensemble des coauteurs du jeu vidéo n’a pas été recueilli, les actes d’exploitation constitueraient une contrefaçon (Cass. 1ere Civ. 19 mai 1976 . Par ailleurs, les actions en protection des droits sur l’œuvre doivent également être exercées en commun à peine d’irrecevabilité, c’est ce qu’a décidé la Cour de cassation dans un arrêt du 4 octobre 1988 .

Voyons à présent la protection des contributions à part entière. Le musicien qui a élaboré les morceaux de musique pour le jeu vidéo est donc auteur, et il bénéficie sur cette contribution des droits de propriété intellectuelle et artistique. Il pourra ainsi se prévaloir des prérogatives (droit de reproduction prévu à l’article L. 122-3 du CPI ), droit de représentation prévu à l’article L. 122-2 , droit de suite prévu à l’article L. 122-8 )) et du droit moral (droit de divulgation prévu à l’article L.121-2 du CPI ), droit de paternité prévu à l’article L.121-1, droit au respect de la création prévu à l’article L.121-1 ), droit de retrait et de repentir prévu à l’article L.121-4 ).

De plus, il peut notamment exercer ses droits en autorisant des actes d’exploitation de sa contribution. Dans le cadre d’une œuvre de collaboration néanmoins, ce droit est aménagé comme suit. L’auteur d’une contribution peut consentir l’exploitation de celle-ci sans en demander l’autorisation à l’ensemble des coauteurs de l’œuvre. C’est en effet ce que dispose l’article L. 113- 3, al.4 du CPI.

Néanmoins, l’article L. 113- 3 apporte une limite à cette liberté d’exploitation en disposant que l’exploitation de la contribution personnelle ne doit pas « porter préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune ».

De plus l’auteur d’une contribution dispose d’une action en contrefaçon dans l’hypothèse où une utilisation de sa contribution aurait été réalisée sans son consentement. On se trouvait justement dans cette hypothèse dans le jugement du 30 septembre 2011.

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